Tournoiement (Original French Version)

Montpellier (France)

Le tournoiement, les lumières vives qui se mêlent aux visages et aux corps dansants, mon corps qui tournoie, enivré par la joie, mes pieds qui s'animent sur un sol poussiéreux, terreux. Jusqu'au petit matin, dans une ancienne grange de l'arrière-pays montpelliérain, mon corps s'enivre de ce bonheur si simple que nous offre la danse. J'entends encore les rires, je vois encore les sourires, et je me vois aussi tournoyer, seule, puis dans les bras d'un autre. Tournoyer sur le rythme d'une vie colorée et vibrante de rencontres et de beauté. La beauté, c'était L'Autre : son histoire, mais aussi L'Ailleurs : cet endroit curieux que j’avais toujours hâte d’explorer. À cette époque, j'aimais contempler et vivre pleinement. J'avais 27 ans.

Les cheveux légèrement grisonnants, attachés par un chignon tombant, elle s'élance, ou plutôt elle ose délicatement élancer ses bras dans un mouvement subtil, expressif et gracieux. Son corps ondule légèrement d’un côté puis de l'autre, porté par ses bras courbés puis tendus vers le ciel. Ces mouvements gracieux se mêlent à ceux de la lumière douce qui émane de la fenêtre devant laquelle elle se tient. Je ne peux m'empêcher de regarder la peau vieilli de ses mains. Les années n'ont pourtant pas atteint la grâce naturelle de cette femme, qui soudain, prise de mélancolie à l'écoute d'un vieux vinyle et d'une chanson sur laquelle elle aimait tant danser, remet son corps en mouvement. Délicatement, tous ses gestes s’harmonisent et me renvoient des proses d'un poème que j'avais moi-même oublié. Celui au sujet de la finitude, d'une vie qui finit par s'étioler. L'élégance pourtant n'a pas de fin ; la délicatesse d'un corps porté par la joie, la sérénité, ou une passion qui se réveille. Cette beauté est ineffable, intemporelle. Je sens mon corps se refléter dans le sien. Mon corps qui finira aussi par s'étioler. Je me vois en cette femme. Elle me parle et me rappelle de ne pas oublier l'essentiel, cette finitude, ou plus précisément que le chemin vers une fin inéluctable peut être aussi gracieux, vibrant, enivrant et subtil. Cette subtilité, cette fragilité est à reconnaître et à chérir. J'ai 45 ans, 18 ans se sont écoulés depuis cette soirée dans la grange de l'arrière-pays montpelliérain.

Qu'ai-je oublié ? Qu'ai-je appris durant ces dernières 18 années ?

Biarritz (France):

La fenêtre de mon bureau est ouverte. J'entends le chant des oiseaux et le ronronnement de l'océan. Biarritz, je te quitte bientôt pour retrouver un bout de ton océan du côté du Pacifique. Dans quelques mois, mes mains caresseront à nouveau les plis mousseux des vagues de la plage de Kitsilano, à Vancouver, au Canada. Il y a 18 ans, je m'en allais aussi de la France, le cœur serré, le corps rongé par la peur. Aujourd'hui, malgré cette séparation que je ne peux éviter, c'est le calme qui s'est emparé de moi, la douleur n'est plus là ; je pars mon cœur rempli de joie, de souvenirs, d'amour pour mon pays, d'histoires. Je pars vers un Ailleurs et l'incertitude de ce que je vais aimer retrouver, mais je pars sereine, enthousiaste à l'idée d'être portée à nouveau vers cette terre d'accueil qui m'a par le passé tant ressourcée.

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